INDÉMNITÉS COMPENSATOIRES ET COMPENSATIONS INDÉMNISÉES

     Par Florence Laviande. 
  
Tiens, c’est marrant ça. Voilà que le Crédit Agricole se retrouve dans le collimateur de la justice américaine pour avoir continué à faire des affaires avec l’Iran malgré l’embargo. Et tiens, c’est marrant aussi, la Société Générale prévoit la destruction de 2000 postes dans ses agences en invoquant comme excuse liminaire la progression du numérique et l’habitude qu’ont pris ses clients de préférer les transactions bancaires par internet plutôt qu’au guichet. Personnellement, je n’y connais pas grand chose ni en droit international, ni en finance. Et j’avoue une flemme coupable d’aller me documenter avant de pondre mon papier. Donc, je propose d’analyser tout ça du haut de mes méconnaissances diverses et de voir ce que ça peut donner d’un point de vue purement primaire, comme ça, juste au bon sens.
Alors voyons. 



Après la BNP et la Société Générale – justement – il est reproché par les autorités de Wall Street au Crédit Agricole d’avoir procédé à des circulations d’argent avec l’Iran et le Soudan malgré l’embargo décrété au niveau international contre ces deux pays. On parle d’une amende d’un milliard d’euros, ce qui est bien moins important que ce que la BNP a du verser pour ses propres turpitudes – 8 milliards. Ok, on est d’accord, financièrement parlant, il n’est pas très sport de profiter d’un embargo honorablement respecté par tout le monde pour faire des coups en douce. Moralement, ça n’est guère défendable non plus, rien à dire là-dessus : traficoter avec des salopards qui maltraitent leur peuple, c’est à vomir. D’accord, ok.
 Seulement au bout du compte, les amendes record réclamées par les USA servent à quoi au juste ? Parce qu’en fait, on est bien d’accord qu’il s’agit là de peine destiné à compenser le manque à gagner sur un marché interdit par décret. Les Français ont fait des affaires là où ils n’avaient le droit d’en faire alors que les Américains, respectueux de l’embargo, s’empêchaient sagement de faire les mêmes affaires. Les Américains ont donc perdu beaucoup de fric que maintenant, ils comptent récupérer d’une manière ou d’une autre, le système d’amende à coups de milliards servant de reprise d’intérêts, sévères soit, mais ô combien profitable. C’est la loi du marché, rien à dire là-dessus. Honteusement pris la main dans la culotte de la voisine, les banquiers français sont beaux joueurs et s’acquittent des milliards qui leurs sont réclamés par les oies blanches de Wall Street, pour solde de tout compte. Dans un monde parfait où l’argent fait le bonheur et garantit une place au paradis à ceux qui en ont le plus, tout cela aurait un sens.
Mais alors comment se fait-il que du coté français – et plus largement, du coté européen – on ne produise pas le même type de procès à l’encontre de la si vertueuse finance américaine ? Comment se fait-il qu’on reste là comme des couillons à pleurer sur les milliards non perçu sur les bénéfices de leurs sociétés quand les grandes majors de l’Entertainment US telles que Apple, Amazon et consort, jouent de tous leurs pouvoirs pour installer leurs sièges en dehors de nos frontières fiscales et palpent un argent brut sur les profits faits dans nos contrées, avec nos salaires ? Comment se fait-il qu’il soit si difficile et si peu convenable d’aller réclamer aux Américains les milliards qu’ils nous doivent eux aussi au nom de l’impôt sur les sociétés ? Impôt qui est pourtant réclamé à toute les boites françaises, y  compris les auto-entreprises dont le plafond de bénéfices est limité à trente mille euros par an ?
Quoi ? Serait-ce là une question de fair-play ? Allons ! Nos dettes explosent, aussi bien du coté des USA que du notre. Eux trouveraient dans nos profits illicites le moyen de renflouer leurs pertes et nous serions incapable d’agir de même à leur encontre ? J’avoue que je ne comprends pas très bien. 


Ces derniers jours, on parle de 2000 départs à la retraite non remplacés à la Société Générale. L’an passé, c’était la BNP qui dégraissait. Au mois d’aout 2015, il y avait 3,5 millions de chômeurs indemnisés en France. Bizarre de voir deux banques françaises, incriminées dans des affaires avec l’Iran, verser des milliards de dollars, et virer juste après du personnel en prétextant l’air du temps, la modernisation des services et les nouveaux comportement de leurs clients. D’autant que pour l’heure, en ce qui concerne la Société Générale, l’amende réclamée par Wall Street n’est toujours pas chiffrée. Donc, on peut aisément penser que cette banque commence à provisionner dans l’attente d’un hiver triste et froid. Donc on peut s’attendre à ce que le Crédit Agricole propose sous peu à ses employés des départs anticipés à la retraite et s’allège ainsi de sa masse salariale afin de compenser le milliard qu’elle s’apprête à perdre au profit des gendarmes de Wall Street. Et bien entendu, lorsque ces décisions seront annoncées, on les assortira du même prétexte fallacieux dont use aujourd’hui la Société Générale : nos clients vont moins dans nos agences à cause d’internet, il y a donc moins besoin de personnel.
A ces gens-là, il faudrait peut-être demander une chose : partant du principe qu’on ne peut pas déposer un chèque ailleurs que dans vos agences bancaires, que pour discuter d’un prêt on doit passer par vos agences bancaires, que pour nous vendre toutes vos saloperies de produits qui ne servent à rien d’autre qu’à nous pomper du fric vous avez besoin d’avoir des agences bancaires ne serait-ce que pour récolter notre signature au bas de vos contrats piégés, que pour retirer de l’argent liquide il est nécessaire d’avoir accès à un guichet de la banque où notre compte est résident sans quoi ces retraits sont payants, qu’il est faux de prétendre qu’une majorité des français préfère communiquer avec sa banque par internet alors que tout le monde s’accorde à dire qu’un écran ne remplacera jamais la proximité d’une agence bancaire… Bref une fois ceci entendu, à quelle heure exactement allez-vous arrêter de vous foutre de notre gueule ? A quelle heure allez-vous réellement assumer que oui, vous avez mis votre main dans la culotte des iraniens alors que c’était verbotten, et que les milliards que vous avez lâché pour effacer l’ardoise, c’est sur l’État français que vous aller les récupérer en jetant à la rue vos employés qui iront engraisser la dette de l’Unedic ? En gros, c’est quand qu’on vous arrache la chemise ?
Bon, moi, je dis ça, hein, en même temps, j’y connais que dalle en finance.










Florence Laviande
Reporter de guerre au Petit Laboratoire des Potentialités Globales
Depuis 2010